mercredi 15 décembre 2021

LITTERATURE. GILBERT LEAUTIER.

Gilbert Léautier est un écrivain discret, pour ne pas dire secret. Il n'est pas de ceux qui hantent les plateaux de télévision pour vendre leur marchandise et donner leur opinion sur tous les sujets. L'inconvénient de cette discrétion dans un monde hyper-médiatisé est que son immense talent n'est pas reconnu, à notre avis, à sa juste valeur.
Né en 1945, il devient très tôt dramaturge et fonde le Théâtre du Béguin à Lyon. A 24 ans il reçoit l'Oscar de la création des mains de Jean Vilar. Il se tourne ensuite vers l'écriture radiophonique et ses pièces sont diffusées, notamment, sur la Radio Suisse-romande. Elles obtiennent en 1986 le prix radio de la SACD. En 1991, malgré une certaine notoriété,  il abandonne l'écriture pour se consacrer à la rénovation d'une forteresse du XIIème siècle, le château d'Aujac dans les Cévennes où il vit depuis 1974. Curieusement, lui jusque là très prolixe, dira qu'il avait fait le deuil de l'écriture. En 2007, son éditeur lui propose de rééditer "Pour planter des arbres au jardin des autres. Portraits cévenols". (1982), un volume de textes courts à la fois poèmes, récits, nouvelles  et portraits des austères Cévennes et de leurs habitants. Cette réédition décide Gilbert Léautier à reprendre la plume et, en 2008, sort un autre superbe ouvrage dans la veine du premier: "Pouvez-vous prouver que vous n'êtes pas un escargot?" . En 2010, c'est le non moins magnifique "Le repaire du dernier Cévenol" qui vient compléter la trilogie des portraits cévenols, suivi en 2011 d'une étrange nouvelle, "La mort Madame".
L'écriture de Gilbert Léautier est comme son pays, dense, solide, poétique et rythmée par le silence. Ses thèmes font qu'elle dépasse le régionalisme et côtoie l'universel, même si l'écrivain n'hésite pas à employer le langage parlé parfois émaillé de quelques mots en patois. Les phrases sont courtes:
"Assurément, ils ne sont pas causants, les gens d'ici.
Bâiller pour eux, c'est déjà un long discours.
Au maximum de la joie, ils crachent par terre.
Au comble du chagrin, ils hochent la tête.
Donnez-leur dix mots, ils vous en rendent quatre.
Avec eux, vous êtes toujours en déficit d'un silence.
C'est pas le pays des grandes phrases."
Les images sont fortes:
"C'est une route qui a oublié la règle.
Elle a été tracée au serpent."
ou:
"La cheminée, c'est la fenêtre de l'hiver."
L'humour et la tendresse ne sont jamais loin:
"Moi, mes morts se fendent la gueule!
ils ont l'os indiscipliné.
Ils rient à s'enrhumer."
Mais on pourrait citer chaque phrase tant le style est d'une beauté hors du commun.
Le seul défaut de Gilbert Léautier est d'être un écrivain trop rare et même si nous nous adonnons avec joie au plaisir de la relecture, nous attendons à chaque fois avec impatience le prochain livre.
Les ouvrages cités dans l'article sont édités par les éditions Alcide.







mardi 6 juillet 2021

POESIE. GASTON COUTE.

Gaston Couté, fils de meunier, naît en 1880 à Beaugency (Loiret). Gamin intelligent, il obtient son certificat d'études à l'âge de 11 ans et ses parents l'envoient au cours complémentaire de Meung-sur-Loire. Il devient turbulent et ne travaille que dans les matières qui l'intéressent. Le résultat de son indiscipline ne se fait pas attendre: il est recalé au Brevet Elémentaire. Ses parents ne renoncent pas à en faire un fonctionnaire et l'inscrivent au lycée où il ne travaille plus du tout. Il finit par rentrer à la maison à leur grand désespoir. Il entre à la Recette Générale d'Orléans. Très vite lassé par un travail monotone, il devient reporter au journal Le Progrès du Loiret. Passionné de poésie, il fait la connaissance de Da Costa, directeur littéraire de La  Revue littéraire et sténographique du Centre qui publiera ses premiers textes. Un jour de 1898, une troupe d'artistes parisiens donne un spectacle à Meung-sur-Loire. Le jeune Couté demande s'il peut dire quelques-uns de ses poèmes en patois. A sa grande surprise, le directeur accepte et, à l'issue de sa prestation,  l'encourage à travailler et à venir tenter sa chance à Paris. Bientôt Gaston ne pense plus qu'aux cabarets montmartrois et il a tout juste18 ans, le 31 octobre 1898, quand il prend le train pour rejoindre la capitale.
A peine arrivé, il fait le tour des cabarets et  débute à Al Tartaine où son charisme naturel, sa jeunesse et la fraîcheur de sa poésie le font rapidement connaître. Il chante et dit  ses textes dans de nombreux cabarets mais il doit souvent se contenter de cafés crème en guise de salaire. Il finit par revenir au pays. Son caractère instable et sa soif de liberté le rendent très vite nostalgique de la grande ville et un matin, muni de son baluchon, il reprend la route de Paris. Hélas, il ne tarde pas à boire plus que de raison et son hygiène de vie laisse à désirer. En 1907, les médecins le déclarent tuberculeux. Cela ne freine pas son ardeur, son talent et sa révolte. Il n'a de cesse de fustiger le nationalisme, la bêtise, la guerre et le conformisme bourgeois. Il écrit pour le journal antimilitariste La Guerre Sociale, pour Le Libertaire et pour La Barricade. Il mourra le 28 juin 1911 à l'hôpital Lariboisière d'une phtisie galopante, il n'avait pas encore 31 ans.
Malgré sa courte vie, Gaston Couté laisse derrière lui une oeuvre conséquente et d'une rare qualité. Souvent considéré comme le versant paysan de Jehan- Rictus qui l'a bien connu, il avait comme lui horreur de l'injustice et de l'exploitation de l'homme par l'homme. Tous deux avaient choisi la cause du peuple et l'exprimaient chacun à leur façon et dans leur propre langage. Jehan- Rictus ayant vu Gaston Couté sur scène a son arrivée à Paris avait été impressionné par le poète et écrivit :" Ses poèmes sentaient bon la terre, le foin, les labours, les emblavures, les vergers et les bois, toute la campagne en un mot. Nous nous trouvions incontestablement en présence d'un adolescent de génie qui, à ses dons extraordinaires, joignait déjà une technique des plus habiles et la connaissance approfondie du métier" 
 Gaston Couté n'aura pas eu la joie de voir édité un de ses livres, le premier ne sortira que 17 ans après sa mort. Sa poésie, elle, continue à faire son chemin. Ses textes et ses chansons ont été interprétés par de nombreux artistes aussi différents que Bernard Lavilliers, Gabriel Yacoub, Edith Piaf ou Gérard Pierron. Certains groupes de rap et d'électro puisent aujourd'hui encore dans son répertoire.
Pour lire, entendre et mieux connaître cet immense poète nous vous conseillons de visiter l'excellent site qui lui est dédié:      http://gastoncoute.free.fr/index.htm