jeudi 12 novembre 2020

LITTERATURE. MARIO RIGONI STERN.


Mario Rigoni Stern est né en 1921 à Asiago  (Italie), il y est mort en 2008. Il a à peine 17 ans lorsqu'il s'engage dans le régiment des chasseurs alpins. Il combattra en France, en Grèce, en Albanie et en Russie avant d'être fait prisonnier par les Allemands en 1943. Il est conduit dans les camps de Prusse orientale d'où il s'évade. Il gagne l'Autriche et parvient, à pied, à rejoindre son village le 5 mai 1945. Il construit une maison et passera toute sa vie au milieu des paysages qu'il décrit si bien. Employé au cadastre, il ne se consacrera entièrement à son oeuvre qu'à l'âge de la retraite en 1970. Marqué par la guerre qui le hante à tout jamais et qui , lorsqu'elle n'est pas le sujet principal, court en filigrane dans la quasi-totalité de ses romans, chroniques, nouvelles ou récits, Mario Rigoni Stern trouve le réconfort dans une nature qu'il connaît comme personne.                
C'est toujours une curieuse expérience de lire ses écrits dont on sort apaisé, avec l'impression d'avoir vécu avec l'auteur des moments privilégiés, au rythme de son pas, dans les traces des nombreux animaux qui peuplent ses montagnes, au milieu des odeurs de mousse, de sève et de champignons, dans la blancheur de la neige qu'il affectionne tout particulièrement. Une grande compassion transparaît dans les pages de cet auteur d'exception, compassion pour les hommes mais aussi pour les animaux, tous les animaux. Il en parle souvent avec humour mais aussi avec une tendresse peu commune, la tendresse de ceux qui ont compris qu'il n'y a pas une si grande différence entre eux et nous, surtout dans la souffrance.
L'écriture de Mario Rigoni Stern n'a rien de révolutionnaire dans la forme, et c'est ce qui  fait en grande partie sa force d'évocation. Paradoxalement, la poésie de ses textes ancrés dans le monde campagnard vient de l'extrême réalisme des descriptions et de sa langue simple et précise. Il y a de la terre, des rochers, de la neige et du vent dans ses mots.   
L'écrivain qui n'a jamais fréquenté les salons littéraires avait pour admirateur et ami Primo Levi (auquel il a consacré un très bel hommage) qui disait de lui: " On trouve rarement pareille cohérence entre l'homme qui vit et l'homme qui écrit, pareille densité d'écriture."    
Pour l'anecdote, à défaut du Prix Nobel pour lequel il était pressenti, il obtint un honneur qui l'amusait beaucoup. Un groupe d'astrophysiciens a donné son nom à un astéroïde découvert en 1996, ce qui lui faisait dire: " Mario Rigoni Stern se balade dans le ciel. C'est drôle, non ?"     
                  
Si tous les livres de Mario Rigoni Stern sont passionnants, Le ZIG! a ses préférés:

Les Saisons de Giacomo (Robert Laffont)
Histoire de Tönle (Verdier)

Editions La Fosse aux Ours
  
Le livre des animaux
Sentiers sous la neige
Hommes, bois et abeilles
Le sergent dans la neige
Pour Primo Levi
                                        

jeudi 21 mai 2020

POESIE. Comme un oiseau dans la tête. RENE GUY CADOU. (Points).

Comme un oiseau dans la tête : Poèmes choisis par CadouRené Guy Cadou est né en 1920 en Bretagne, au coeur du marais de la Grande Brière. La mort de sa mère, alors qu'il a à peine 12 ans, le plonge dans une profonde mélancolie qui hantera plus tard sa poésie, cette poésie entrée dans sa vie par le biais de son père.
En 1936, Cadou fait la connaissance de Reverdy et de Max Jacob. Un an plus tard il publie son premier recueil Brancardier de l'aube. Il écrit sans cesse, deux autres recueils voient le jour avant la guerre et la mort de son père en 1940. Cette année-là il est mobilisé mais, malade, il est rendu à la vie civile quelques mois plus tard. Il exerce alors le métier d'instituteur.
La guerre l'oriente vers une poésie beaucoup plus expressive. Il écrit Pleine Poitrine après que 27 otages aient été fusillés à quelques kilomètres de son lieu de travail et que son ami Max Jacob soit mort à Drancy. En  1946 il épouse Hélène Laurent, elle-même poète. Il lui consacrera Hélène ou le règne végétal. Il tombe de nouveau malade et sent très vite que sa vie sera courte. Il trouve refuge dans sa poésie. Malgré plusieurs interventions chirurgicales, il meurt en 1951, quelques jours après avoir achevé Les biens de ce monde. Malgré la brièveté de sa vie, il laisse plus d'une trentaine de recueils de poèmes, deux essais sur Appolinaire ainsi que des nouvelles.
Si René Guy Cadou n'a pas connu  une plus grande notoriété, la faute en incombe en partie à ceux qui, voulant bien faire, n'ont voulu le définir que comme un écrivain régionaliste et intimiste, lui collant même l'étiquette de poète chrétien. C'est vrai que Cadou a ancré sa poésie dans l'endroit où il vivait, c'est vrai aussi qu'il ne reculait pas devant l'introspection, c'est également vrai qu'il était croyant mais ce n'est pas faire grand cas de son oeuvre que de la réduire à cela. Il est avant tout le poète du doute et en cela sa poésie touche à l'universel. Aurait-on oublié qu'il a su s'ouvrir à son époque avec des textes comme Les fusillés de Chateaubriant ou Ravensbrück ?
 Michel Manoll, dans sa très belle préface aux Oeuvres poétiques complètes (Editions Seghers 1978), a très bien défini le poète:
"René Guy Cadou s'est voué à donner voix à tout ce qui participe au concert terrestre, sans en exclure la plus humble psalmodie ou le chuchotement le plus discret..."
Mais  laissons le mot de la fin à Cadou lui-même, répondant à une interview de Pierre Béarn dans Le Miroir d'Orphée:
"J'habite un coteau ensoleillé assez loin des officines littéraires pour me passer des satisfecit des snobs et du personnel de la critique."