jeudi 10 mai 2012

MUSIQUE. The House of many doors. JOHAN ASHERTON. (EDK)

Depuis 2005 et la sortie de son magnifique album Amber Songs qui avait fait l'unanimité des critiques spécialisés, quatre albums de Johan Asherton ont vu le jour: Johan Asherton Live at Canal 93 (2006), Cosmic Dancer: A tribute to Marc Bolan (2007), Johan Asherton Live at the cinema Jean Vigo (2009) et Hight Lonesomes (2010), autrement dit deux "live", un hommage et un album de reprises (Bob Dylan, Jackson Browne, Jackson C. Frank, Townes Van Zandt, Tim Hardin ...). Si son grand talent nous a permis de patienter, nous ne pouvions pas nous empêcher d'espérer secrètement la sortie d'un album de ses propres compositions. Le voici avec The House of Many Doors. Tout aussi intimiste que son prédécesseur, il nous offre 11 chansons superbement habillées. Chacun des nombreux instruments apporte une couleur différente aux pièces dont les portes s'ouvrent souvent sur l'océan, le ressac des vagues et la plainte du vent, quand ce n'est pas sur une autre époque: l'époque médiévale. L'ensemble donne un album d'une beauté mélancolique aussi attachant qu'intemporel. Si tous les titres sont déjà des classiques en puissance, certains deviennent après quelques écoutes quasiment obsédants. C'est le cas pour The house of many doors et ses cordes somptueuses, The Drift et sa ligne d'orgue, The Apparition et sa mélodie entêtante ou pour Famous Last Words et son accordéon.
Encore un album à déguster sans modération.
Félicitations à Stéphane Dambry qui a co-produit The House of Many Doors et a participé activement à sa conception puisqu'il ne joue pas moins de 8 instruments.
http://www.asherton.hinah.com/
www.myspace.com/johanasherton

lundi 7 mai 2012

MUSIQUE. The Genius of the Crowd. ESTHER BURNS. (Entropy Records). EP, 22 MN

Si l'électronique est plus présente dans The Genius of the Crowd, Esther Burns reste fidèle au style de son étrange et bel album La valeur du vide (2011). Le groupe passe avec un grand bonheur des sons grinçants et des larsen aux notes mélancoliques du piano, alternant les passages mélodieux et la stridence des guitares, la douceur et l'agressivité. Esther Burns est un groupe de contrastes, contraste entre les machines et les instruments classiques, entre avant-gardisme et nostalgie, contraste, dans cet album, entre le poème désenchanté de Charles Bukowski qui vient comme une réponse au discours presque cynique de l'un des papes de l' économie libérale, Milton Friedman. Encore une fois on est surpris de l'extraordinaire créativité de ce groupe qui trace son chemin en marge sans aucune concession et nous fait découvrir un monde, son monde, avec un immense talent et une cohérence qui forcent le respect. The Genius of the Crowd est le digne successeur de La valeur du vide, tout  en étant peut-être plus abordable ... à moins qu'Esther Burns ait déjà su nous imposer son univers et son style!
Encore un album aussi beau qu 'inclassable.
Disponible en CDR 3" (au prix de 5 euros + port) et en téléchargement sur le site du label:
Nous nous permettons de vous conseiller le CD, édition limitée à 100 exemplaires, pour la beauté de l'objet. Entropy Records ne laisse décidément rien au hasard.
En savoir plus sur Esther Burns et écouter des extraits des albums sur:
                                               
                                              

                                                          

jeudi 3 mai 2012

ESSAI. Bob Dylan, le country rock et autres amériques. FRANCOIS DUCRAY. (Castor music).

François Ducray, critique à Rock & Folk et à Best durant les années florissantes de ces deux magazines, est  l'auteur de plusieurs ouvrages  consacrés aux groupes phares des années 60 et 70 comme Led Zeppelin, les Beatles ou les Rolling Stones. Avec cet essai, il remonte le courant et nous emmène aux racines de ce qu'on appelle, faute de mieux, folk, rock ou country rock. S'il a pris soin de mettre le nom de Dylan en exergue dans le titre, c'est en grande partie parce qu'il sait bien qu'en France lorsqu'on parle de country music on pense aussitôt chansons de cow boys et folklore désuet, quand on ne se permet pas de surcroît d'opposer la country au blues et d'en faire  une musique de racistes blancs. Bien sûr il est question de Dylan dont la musique est nourrie partiellement de ce style qu'il a écouté depuis son plus jeune âge et parce que  Dylan a été toute sa vie un "passeur" de musiques traditionnelles. Il a d'ailleurs fondé une radio pour les faire connaître. La première partie du livre lui est consacrée, on peut même dire que c'est en partant de lui que Ducray bâtit son "histoire" et ce n'est pas par hasard. En 1966, ayant électrifié son folk au grand dam des puristes, c'est à Nashville, capitale de la country music que Dylan décide d'enregistrer le double album mythique Blonde on blonde. Le légendaire "accident de moto", cette même année, lui donne de longs mois pour se ressourcer. Il redécouvre l'immense variété des musiques de son pays: le folk d'origine britannique ou irlandaise, celui venu d'Europe centrale, le blues rural ou urbain, le gospel, le rock, les musiques cajun... et la country avec ses amis les musiciens de The Hawks qui deviendront bientôt The Band. Ils enregistreront des dizaines de morceaux pour le plaisir. De ces sessions sortira de nombreuses années plus tard (1975) l'album The basement tapes. Aussitôt après cette "pause", Dylan repart à Nashville et en trois sessions de 8 heures il enregistre une belle collection de chansons proches du style country- blues qu'il réunit sous le titre John Wesley Harding (1968). L'année suivante il enregistre l'étrange Nashville Skyline.
François Ducray clôt le chapitre Dylan avec cet épisode qui n'a rien d' anodin et nous offre à partir de là "une histoire compactée de la country music" de la fin du 19ème siècle à nos jours avec une véritable galerie de portraits, de Blind Willie Mc Tell à Calexico en passant par Springsteen, Ben Harper, Steve Earle, Townes Van Zandt, Johnny Cash , Neil Young et bien d'autres... pour revenir à Dylan. On s'aperçoit alors que tout ce qu'on range aujourd'hui sous l' étiquette rock est issu de la même source.

Pour les passionnés, rappelons l'excellent Like A Rolling Stone, Bob Dylan à la croisée des chemins (Points) de Greil Marcus qui nous invite à revisiter l'Amérique des années 60, un pays au bord de l'implosion (avec l' assassinat de J.F. Kennedy et de Martin Luther King), dont Bob Dylan signe la bande-son.

L'enregistrement ci-dessous n'est certainement pas ce que les deux musiciens ont fait de mieux mais le document est intéressant à plus d'un titre.