Abbi Bâ est Guinéen, engagé dans les tirailleurs sénégalais. Un jour de 1940, un jeune garçon et son père qui cherchent des champignons le trouvent à demi inconscient à la lisière d'une forêt. C'est le début d'une belle et terrible histoire entre les habitants d'un petit village des Vosges et cet être étrange et mystérieux. "Le nègre", comme la plupart l'appelle (on n'a jamais vu à Romaincourt un homme d'une autre couleur que la couleur locale), va très vite faire partie de cette communauté encerclée par la guerre. Il devient un fils, un frère, un père, un ami pour beaucoup.Il va mettre en place l'un des premiers maquis de la région et sera torturé avant d'être fusillé. L' histoire est racontée par une vieille femme de 80 ans qui s'entretient avec le neveu de Abbi Bâ 60ans après sa mort, alors que l'on baptise une rue du village de son nom.
On aurait pu craindre un récit linéaire et didactique se contentant de relater les faits, Le terroriste noir (comme le surnommaient les Allemands) étant tiré d'une histoire vraie.
Il n'en est rien. Le talent de conteur de Tierno Monénembo, son écriture incisive et fleurie, son humour, sa façon de montrer la vie quotidienne d'un village vosgien comme s'il s'agissait d'un village africain, font de ce roman un petit chef-d'oeuvre sans pathos ni manichéisme pesant. Les personnages de chair et de sang sont terriblement attachants. On se souvient longtemps de Yolande, Huguette ou Etienne.
Ce livre est un très bel hommage à ces hommes de l'ombre qui nous fait oublier tous les romans et les films plus ou moins médiocres (excepté Le camp de Thiaroye de Sembene Ousmane) inspirés par les tirailleurs sénégalais.